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La narration
La narration dans l’œuvre de Jean GIONO est parfois victime de distorsions, comme si les signifiants se diluaient dans une rupture du continuum spatio-temporel, pour en ressortir vêtus d’habits différents. Ou bien – au-delà des fautes de typographie non imputables à GIONO – est entachée d’approximation, d’exagération, de fantaisie, d’imprécision, d’inattention, d’interprétation ou... d’erreur manifeste !
Dans plusieurs passages, Le Poids du ciel s’apparente à un traité d’astronomie, mais contient de nombreuses imprécisions.
Par exemple, page 143, à propos des astéroïdes qui orbitent entre Mars et Jupiter (que GIONO nomme des petites planètes) :
« La plus grosse est Pallas : de la grosseur de la Lune. Une des plus petites est Cérès : elle a cent kilomètres de rayon. (...) La plus près de Mars (...) fait le tour du Soleil en douze cent trente-cinq jours ; la plus éloignée (...) tourne autour du Soleil en quatre ans et demi. Ce sont les débris d’une planète. »
• | Pallas est le deuxième astéroïde en termes de taille : 610 km de diamètre, contre 3 476 km pour la Lune. Pallas est donc en réalité près de six fois plus petit que la Lune. |
• | Cérès est le premier astéroïde en termes de taille : 1 000 km de diamètre. |
• | La période de révolution de Cérès est de 4,6 ans, soit 1 656 jours, celle de Pallas 4,61 ans (1 660 jours). |
• | Bien que l’hypothèse émise au XIXe siècle par Olbers ait encore cours, on préfère soit celle proposée en 1964 par le Suédois H. Alfvén qui considère les astéroïdes comme étant des matériaux en cours d’accrétion, ou celle qui suppose qu’ils sont des condensations de la nébuleuse solaire originelle n’ayant pas réussi à s’agglomérer en un astre unique, par suite de l’insuffisance de leur masse initiale. |
Et même page 143 : les « quarante millions de degrés du Soleil (...) » En son centre, la température est estimée à 10 millions de degrés, mais seulement environ 6 000 degrés (Kelvin) à sa surface. | |
Pages 143-144, à propos des planètes du système solaire : | |
• | « Mercure, seize fois plus petit que la Terre (...) » : le diamètre de Mercure est 2,6 fois plus petit que celui de la Terre et le rapport de leur masse est de 18,5 ; |
• | « Mars, six fois plus petit que la Terre (...) » : le diamètre de Mars est environ 2 fois plus petit que celui de la Terre ; |
• | « Jupiter, douze cents fois plus gros que la Terre (...) » : le diamètre de Jupiter est 11,2 fois plus grand que celui de la Terre et le rapport de leur masse est de 319 ; |
• | « Saturne, sept cent trente fois plus gros que la Terre (...) » : le diamètre de Saturne est 9,4 fois plus grand que celui de la Terre et le rapport de leur volume est de 800 ; |
• | « La lumière du Soleil (...) met cinq heures pour aller jusqu’à Pluton. » : à son aphélie, Pluton est à 6,85 heures-lumière du Soleil, à son périhélie sa distance est de 4,1 heures-lumière. « Pluton tourne autour [du Soleil] en six cent soixante-quatorze ans. » En réalité, sa période de rotation autour du Soleil est de 248 ans. |
Page 148, concernant la distance au Soleil des étoiles : | |
• | « Antarès, cent cinquante ans [de lumière] ». Sa distance au Soleil est de 520 années-lumière ; |
• | « l’Épi, cent quatre-vingts ans ». Sa distance au Soleil est de 275 années-lumière ; |
• | « Bételgeuse, deux cent soixante ans ». Sa distance au Soleil est estimée entre 520 et 650 années-lumière ; |
• | « Rigel, cinq cent quinze ans ». Sa distance au Soleil est estimée à 900 années-lumière. |
Page 160 : « à partir de onze mille kilomètres-seconde, la vitesse chasse le mobile hors de l’attraction terrestre (...) » La vitesse de libération pour échapper au champ d’attraction de la Terre est d’environ 11,2 km/s à l’équateur, soit une erreur de 1 000. |
La Genèse (11.9) est citée ainsi dans Le Poids du ciel, page 56 :
« C’est aussi pour cette raison que cette tour, cet élancement vers le ciel fut appelé Babel, c’est-à-dire dans la confusion. »
La Traduction œcuménique de la Bible (TOB) donne :
« Aussi lui donna-t-on le nom de Babel car c’est là que le Seigneur brouilla la langue de toute la terre, et c’est de là que le Seigneur dispersa les hommes sur toute la surface de la terre. »
La TOB précise en note : « En hébreu, il y a jeu de mot entre le nom de Babel (Babylone) et le verbe traduit par brouilla. »
Le « demi-zeugme » esquissé dans Jean le Bleu (1932) n’est pas davantage résolu par David Lodge en 2003 dans L’auteur ! L’auteur ! page 321 : « (...) en l’embrassant sur le pas de la porte (...) ». Ici aussi, il n’y aurait suffit que : « et sur la joue » ! Par exemple en s’inspirant d’Alphonse Allais : « Il l’embrassa dans la rue et peut-être ailleurs » dont l’ailleurs est subtilement à multiples interprétations.
Le narrateur du Moulin de Pologne se désole du fait que le casino municipal est situé dans la malnommée rue de l’Abattoir (« on aurait bien dû changer le nom », page 98). Le manuscrit est daté du 26 janvier 1952. Est-ce que le réalisateur Étienne Chatiliez a lu GIONO ? Toujours est-il que 43 ans plus tard, en 1995, le souhait du narrateur est exaucé dans Le bonheur est dans le pré : Gérard (Eddy Mitchell) honore Nicole (Sabine Azéma) dans une voiture garée « avenue Rockfeller (sic) anciennement rue des Abattoirs » !
Une symphonie imaginaire nécessite, dans Mort d’un personnage, « 80 [timbales] sur quatre rangs » (page 44) ! Au-delà de cette quantité fantaisiste, monsieur Pardi, souhaitant offrir aux aveugles de son institut une imaginaire Symphonie en ut composée par Sibelius, n’arrive pas à réunir la totalité des instruments demandés. Dans le décompte confus, « nous pourrons à peine en avoir quarante, et il en faudrait au moins le double » (page 42) et monsieur Pardi « n’en a pas la moitié de ce qu’il faut » (page 44), soit moins de 40, alors que page 40 « il en manque encore six », donc il aurait déjà réuni 74 (80 - 6) instruments.
Aux fiançailles de son fils Léonce, Julie de M..., « pour la première fois de sa vie, chanta devant tout le monde » page 175 dans Le Moulin de Pologne. Mais page 81, à environ 20 ans, « Julie chanta des chants appropriés » pendant la messe de Pâques, donc en public !
Parmi les compositeurs, Bach a une place importante pour GIONO. Mais lorsqu’il cite Das Wohltemperierte Clavier (BWV 846 à 893) dans Noé, page 159 : « (...) on vous y interroge au son (...) du Clavecin bien tempéré (...) », il ne donne pas la bonne traduction en français de cette œuvre. Il faut lire Le Clavier bien tempéré. Toujours dans Noé, page 344, beaucoup d’hommes et de femmes que GIONO rencontre « jouaient de moi comme d’un homme orchestre. (...) des pistons, des trompettes, des cors et des bugles, un cœur que j’animais (...) ». Plutôt lire « un chœur » ?
La page 84 dans Le Poids du ciel propose le son d’une clarinette bouchée... Que pourrait être une « sourdine » adaptée à cet instrument ?
Les patronymes foisonnent dans Batailles dans la montagne. Celui de Paulon – devant chez qui Pierre Michard a attaché sa charrette page 202 – devient Polon (bistrotier page 179) – devant chez qui Joseph Glomore avait attaché sa jument page 226.
Encore dans Batailles dans la montagne, la généalogie semble être bousculée. Page 203, Maurice Dauron est « le fils de la veuve Adeline », donc sa mère porte le nom marital de Dauron. Page 400, le fils Dauron affirme que son oncle [Alfred} Jubas est « le frère de ma mère », donc sa mère est née Adeline Jubas.
Page 204, « Isabelle Dauron donnait le bras à sa sœur Adeline ». Elle est donc née Isabelle Jubas. Sauf le cas improbable – et non confirmé dans ce roman – où Isabelle ait épousé un autre frère Dauron, elle ne peut pas porter ce patronyme. Ce que GIONO confirme dans la phrase suivante : « (...) du vivant de son beau-frère (...) »
Et toujours dans Batailles dans la montagne, Madeleine Glomore est mariée à Joseph et est mère de trois filles. Mais page 527, « Julie Glomore (...) et ses trois filles étaient là (...) ». Il y a confusion entre Julie et Juliette, l’une des trois filles de Madeleine.
Une des ouvrières de Pauline est nommée Antonine tout au long de Jean le Bleu. Mais GIONO la renomme Antonia dans La Chasse au bonheur, « La partie de campagne », page 170.
Pierre de M... est, dans Le Moulin de Pologne, marié avec Anaïs. Mais pages 62, 63 et 64, GIONO lui attribue Clara comme compagne.
Lle patronyme Polliac (cité page 237 dans Noé) semble être inspiré de celui du capitaine Pollard, commandant l’Essex dans Moby Dick, pages 288 et 289, dont il exerce le même métier au même grade.
Le fils Gaubert : Joseph, Jasmin ou Charles ? Garde ou employé aux chemins de fer ? Au début de Regain, le père Gaubert, dit guigne-queue, ancien charron, est, avec Panturle et zia Mamèche, l’un des trois derniers habitants d’Aubignane. Page 10, il a un fils (non cité) qui est garde aux Rouvières. Âgé, le charron quitte le village – en emportant son enclume (pages 24, 26-27) et un soc de charrue (page 125) – pour aller habiter chez son fils. Pages 26-27, ce fils est prénommé Joseph et vit avec la Belline. Plus loin dans l’histoire, Panturle va voir le père Gaubert maintenant installé chez son fils, prénommé Jasmin pages 122-124.
Une suite à Regain se trouve, sous forme de scénario, dans Triomphe de la vie. Depuis le décès de son père, le fils Gaubert habite maintenant Aubignane, en compagnie de Belline. Il est prénommé Charles et était employé aux chemins de fer (à/c page 184).
Les précisions décrivant le même événement ou la même information peuvent parfois varier et manquer de cohérence au fil des pages et des œuvres. Ainsi :
Dans Noé : | |
• | la montée Gustave-Labret de la page 215 devient la montée Gustave-Lambret à la page suivante. |
• | la jeune fille portait « une de ces coiffures qui parlent ouvertement de vingt heures de boulot de coiffeur. » (page 276). Mais page 289, « (...) l’ondulation, l’onction et la finition de ses cheveux ont exigé au moins trois demi-journées de coiffeur (...) », soit environ douze heures de travail ! |
Adelina White habite « 16 Seething Road, Leeds » page 148 de Pour saluer Melville. Mais Adelina White a changé d’adresse dans Noé : à la page 178, elle habite maintenant « Seathing Roads » !
Pour libérer la salle du Café de la route, Saucisse met « à la porte mes trois gaillards qui se chauffaient près du poêle » (Un roi sans divertissement, page 216). Mais dans Noé, page 42, GIONO reprend cette anecdote en précisant « ce Pierre Mégi qui était là avec quatre autres, à se chauffer autour du poêle (...) », soit cinq personnes !
Bahia, ville ou État ? Dans l’énumération page 83 du Poids du ciel, à propos de la nuit qui est : « devant Bahia et devant Rio ».
Ces deux toponymes semblent appartenir au même registre sémantique, mais Bahia est un État alors que Rio une ville.
Copiapó, montagne ou ville ? Dans le même Poids du ciel, et toujours à propos de la nuit qui, page 85, a envahi : « les sommets de l’Aconcagua et du Copiapó ».
Ici aussi, ces deux toponymes semblent appartenir au même registre sémantique, mais l’Aconcagua est une montagne alors que Copiapó une ville.
Après être descendue du tramway 54, la ménagère se dirige vers la rue Paradis (Noé, page 285). GIONO continue la pérégrination : « Tout ce qu’elle a aperçu de la rue Paradis, c’est un coin de l’égise (sic) Saint-Vincent-de-Paul (...) ».
Mais cette église se situe à environ 1,5 km, alors que dans la rue Paradis, la ménagère aurait vraisemblablement pu voir l’église Saint-Joseph.
Le Sauvey, torrent de montagne qui, dans Batailles dans la montagne, traverse Villard, est nommé Sauvez page 79. La montagne qui domine Villard, nommée Verneresses (orthographié Verneresse page 74), devient Berneresse page 454.
Un contresens, dans La Chasse au bonheur, « Ma mère », page 191 : « (...) un petit filet de fumée s’élevait d’un ostensoir (...) ». Il faut lire : encensoir !
Alors que dans Un roi sans divertissement, GIONO fait très bien la différence entre ostensoir pages 54, 99 et 100, et encensoir page 56.
Vraisemblablement quelques coquilles typographiques :
• | dans Batailles dans la montagne, le torrent qui arrose Villard est la Tialle, qui devient la Taille page 487. Le personnage surnommé la Marquise pages 205, 296, 300, 375 voit son surnom transformé en titre nobiliaire la marquise pages 412, 431, 593. |
• | dans Le Bestiaire, « La cantharide », page 55 : « [Dans la boîte] la cantharide s’y étoile et y perd (...) sa qualité. ». Il faut lire : s’y étiole ! |
• | dans La Chasse au bonheur, « Le temps des prisons », page 123 : « (...) faire des chaussons de lisière pour les (...) Chinois ». Peut-être faut-il comprendre : des chaussons de rizière ? |
• | dans Le Hussard sur le toit, page 475 : « (...) en proie au prodome de ce cancer (...) », lire : prodrome. |
• | dans Jean le Bleu, page 20 : « (...) le reste du jour était oscillé de lunules violettes (...) ». Il faut lire : était ocellé ! Et page 159 : « [La femelle pluvier] regarda Maillefer en cloussant (...) ». Peut-être lire : gloussant ? |
• | dans Noé : |
- page 10 : « (...) que je ne subisse plus l’entreprise de personnages (...) ». Peut-être lire : l’emprise (de personnages) ? De même dans Les Trois Arbres de Palzem, « Montagnes, solitude et joies », page 96 : « (...) se dégager de l’entreprise de la solitude (...) ». Peut-être là aussi lire : l’emprise (de la solitude) ? | |
- page 120, confusion entre la conjonction de coordination ou et le pronom relatif où : « (...) on consulte le cadastre, vous viendrez là où vous ne le consulterez pas. ». Lire : ou. | |
- page 271 : « (...) une grande porte cohère (...) ». Lire : cochère. | |
- page 285 : « (...) un coin de l’égise Saint-Vincent-de-Paul (...) ». Lire : l’église. |
Les numéros de pages correspondent à ceux de l’édition courante de l’ouvrage concerné.
Page générée le jeudi 10 juillet 2025